A lire absolument le témoignage de Kofi Yamgnane, cofondateur avec Jacques Auxiette de la FVCS, à l’occasion d’une rencontre avec les élus et les sages de Saint-Georges d’Oléron …
« 1989, ce n’est pas seulement l’année du bicentenaire de la Révolution Française, c’est avant tout la célébration de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen. La France n’est pas n’importe quel pays, c’est le pays de la tolérance. Et c’est au cours de cette année-là que j’ai été élu Maire de la petite Commune de Saint-Coulitz dans le Finistère : 480 habitants. Moi, premier homme de couleur à accéder à cette fonction ! Et ce sont les paysans de la Commune qui sont venus me chercher pour prendre la tête de la Mairie. 100% de blancs qui élisent un Noir ! En France ! C’est quelque chose d’inimaginable et l’info a été diffusée dans le monde entier : au Japon, en Amérique, dans les pays du Nord de l’Europe et en Afrique bien sûr. J’ai même fait la couverture du Times.
L’info remonte jusqu’à mon village d’origine, pas loin de Lomé, au Togo. L’Ambassadeur de France qui vient d’y effectuer une visite me contacte pour me dire que je dois ABSOLUMENT rentrer TOUT DE SUITE dans mon village. Et ça semble vraiment urgent. Inquiet, je m’y rends aussitôt. Là-bas, l’incompréhension domine. Tout le village se réunit et le Chef me dit :
L’homme blanc( l’Ambassadeur) nous a dit que tu étais devenu Chef du village et de tous les habitants. Tu ne peux pas ! Tu es trop jeune ! Tu ne connais rien à ce village et on ne veut pas entendre un jour que tu as foutu le bordel dans ce village ! Alors, tu vas rentrer en France et tu vas rendre la « Chefferie ».
Les discussions ont duré deux semaines. J’avais beau leur dire que je ne pouvais pas rendre la « Chefferie », que ça ne se passait pas comme ça en France, que les gens du village m’avaient choisi … Ils ne voulaient rien entendre. À force d’explications, ils ont fini par accepter mais voici à quelle condition. Ils m’ont dit, et ils ont bien insisté :
Tu vas rentrer dans ton village. Mais il y a bien des Vieux, dans ce village ? Tu vas prendre des Vieux avec toi, ils t’éviteront de faire des bêtises !
Et voici l’origine de la création du premier Conseil des Sages français …
Dans mon village, au Togo, toutes les cases sont hautes et rondes, sauf une qui est carrée et très basse. C’est là qu’ont lieu les discussions. Pour y entrer, il faut se baisser, c’est en même temps une preuve d’humilité. Ensuite, on s’assoit et on s’écoute. Si par cas, quelqu’un n’est pas d’accord et se lève en colère, aussitôt, il se cogne la tête au toit et se retrouve, bien malgré lui, assis. Au cours des réunions, dans cette case, on apprend la discipline de la parole, on ne coupe pas la parole et on respecte l’autre. »
Remerciements à :
Mme Dominique Rabelle, Maire de Saint-Georges d’Oléron
M. Michel Gaillot, Ancien Président de la Fédération des Villes et Conseils des Sages
M. Joseph Huot, Maire de Saint-Denis d’Oléron
Pascal Klein, Secrétaire général du Conseil des Sages® de Saint-Georges d’Oléron
